« Le transport fluvial est un levier de la transition énergétique »

Pour son apéro de rentrée, l’antenne lyonnaise a invité lundi 9 octobre au bistrot-vélo Le Velcroc, Cécile COHAS, Responsable de la mission Recherche et Innovation, et référente Transition Energétique chez Voies Navigables de France (VNF) et Marie-Cécile GRISARD, Responsable des affaires publiques européennes à la Compagnie Nationale du Rhône (CNR). Après une présentation de leurs parcours et de leurs organisations, elles ont évoqué la transition énergétique dans le transport fluvial et les projets de recherches et innovations à l’échelle nationale et européenne.

Leur parcours

Diplômée de Sciences-Po, Marie-Cécile Grisard, a intégré la Compagnie Nationale du Rhône en 2011 comme Responsable Marque et Communication Institutionnelle, avant de prendre le poste de Responsable des affaires publiques européennes. Elle a également été directrice de l’association Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves (IAGF) pendant 5 ans. « Un fleuve structure l’aménagement des territoires, explique-t-elle. Les villes redécouvrent leurs fleuves et cherchent à ouvrir leurs ports vers la ville. De nouveaux liens se créent entre les ports/les villes/les fleuves dans une logique de décarbonation des transports et d’économie circulaire ».

Titulaire d’un master en transport maritime et gestion portuaire effectué au Canada, Cécile Cohas a été responsable logistique au sein d’Alcatel Submarine Network et de Carrier, avant de rejoindre VNF il y a 15 ans. « J’avais envie de retrouver les bateaux, les fleuves et d’agir au service de l’environnement et de la biodiversité ». « Le transport fluvial est déjà une mobilité douce et propre mais il peut encore davantage accompagner la transition énergétique ».  Cécile Cohas a été récemment nommée experte européenne sur les nouveaux carburants.

Leurs organisations

La Compagnie Nationale du Rhône (CNR), société anonyme d’intérêt général, est le concessionnaire du fleuve Rhône. Ses principaux actionnaires sont Engie et le Groupe Caisse des Dépôts, elle a trois missions solidaires entre elles : la production d’électricité (hydroélectricité mais aussi éolien et solaire), le développement du transport fluvial et l’irrigation des terres agricoles. Pour le transport fluvial, la CNR a construit ports, quais et écluses tout le long des 330 kilomètres de voies navigables entre Lyon et Marseille pour le transport des marchandises. « Cela crée un maillage très étroit, connecté au réseau ferroviaire, dans un bassin de vie qui ne cesse de grandir, avec des besoins de consommation croissants et dans un contexte de nécessaire réindustrialisation » indique Marie-Cécile Grisard. Le transport fluvial, c’est également la navigation de plaisance sur le Haut-Rhône, entre la frontière suisse et Lyon et de croisière entre Lyon et la Méditerranée. La protection de la biodiversité fait également partie des missions de la CNR.

Les Voies Navigables de France est un établissement public qui gère les 6 700 km de voies navigables de France, sauf le Rhône et le Rhin. Elle gère 7 bassins de navigation. Ses trois principales missions : exploiter et organiser la navigation, concourir à l’aménagement et au développement du territoire et assurer la gestion globale de l’eau en conciliant les différents usages (navigation, population, industriels, etc.). Pour rappel, le transport fluvial, c’est 52 millions de tonnes de marchandises en 2021, l’équivalent de 2,525 millions de camions, soit 290 000 tonnes de CO2 évitées.

CNR et les VNF font partie de l’association Medlink Ports qui regroupe les acteurs du système portuaire et œuvre au développement de l’activité et du transport multimodal sur l’axe Méditerranée-Rhône-Saône pour les flux import/export et les trafics domestiques.

La place des femmes dans leurs organisations progresse. « Au départ, CNR était un monde majoritairement d’ingénieurs, masculin, reconnait Marie-Cécile Grisard. Mais aujourd’hui, nous avons une palette de métiers, du prévisionniste météo jusqu’au trader qui vend notre électricité, en passant par des commerciaux pour convaincre les entreprises d’utiliser le transport fluvial ou des ingénieurs environnementaux et nos effectifs se sont féminisés ». La Présidente du directoire actuelle de CNR est une femme, Laurence Borie-Bancel.  

« VNF est un bon exemple de mixité, estime Cécile Cohas. Depuis son arrivée, il y a 5 ans, notre directeur général, Thierry Guimbaud a œuvré pour féminiser les effectifs et met à l’honneur les femmes ». Sur 7 DT, il y a maintenant 3 femmes directrices territoriales, présentes au Comex, dont Cécile Avezard (que l’antenne lyonnaise avait reçu en mai dernier cf. la synthèse de son intervention).

Transition énergétique

« Le transport fluvial est déjà décarboné mais pour préserver son avantage compétitif il faut faire de la prospective » indique Cécile Cohas. « Les bateaux que l’on construit aujourd’hui fonctionneront encore en 2050-2060, alors que les exigences environnementales seront de plus en plus fortes ».

VNF a élaboré les éléments de la feuille de route française pour le verdissement du secteur fluvial avec l’IFP Energies Nouvelles, et en partenariat avec le Ministère de la transition écologique (DGITM), l’ADEME, l’Europe, la CNR et E2F. Elle a lancé l’étude FLUENT (pour FLUvial ENergie Transition), une étude de recherche et développement pour imaginer le transport fluvial de demain. En croisant modélisations énergétiques, environnementales et économiques à partir de cas réels d’usages de bateaux, cela permet de construire des modèles complets et ainsi de projeter durablement le verdissement de la flotte. Le poids environnemental de chacune des solutions possibles a ainsi été évalué (un simulateur sera mis en ligne début 2024 pour pouvoir accéder à ces données). « Ce sont des sujets complexes, prévient Cécile Cohas. Pour trouver des solutions contrôlées, sécurisées et avec un faible impact environnemental, on se dirige vers un mix énergétique et des solutions d’hybridation combinant l’électricité et les carburants biosourcés ».

CNR travaille en partenariat avec VNF pour accompagner ces efforts de décarbonation. « Notre objectif est de donner le maximum de solutions aux territoires et aux entreprises pour se décarboner, en incitant le transport fluvial plutôt que routier » explique Marie-Cécile Grisard.  CNR a par exemple mis en place un réseau de bornes de recharge rapide le long du Rhône pour les voitures électriques et, dans les prochaines années, pour les bateaux de croisière.

Plusieurs innovations liées à la logistique urbaine ont été mises en place afin de favoriser des solutions plus durables. « Le Port de Lyon est un poumon économique. Différents projets ont été dédiés à la logistique du dernier kilomètre » explique Cécile Cohas. Ainsi, Urban Logistic Solutions, VNF, CNR, la Ville de Lyon et la Métropole de Lyon, ont noué un partenariat pour développer des acheminements combinant bateau et vélo électrique, pour transporter des marchandises dans le centre de Lyon. Quelques 40 000 tonnes de produits devraient être ainsi acheminées du Port Edouard Herriot jusqu’à la Presqu’Ile. Courant 2024, un bateau à propulsion électrique devrait également étoffer ces services de logistique urbaine pour décongestionner le centre-ville.

A noter également l’existence de la déchèterie fluviale, River’Tri, quai Fulchiron, un jour par semaine, le samedi. Ce service porté par VNF, avec la CNR et Suez, contribue à une meilleure gestion urbaine des déchets, et apporte une solution d’avenir pour la logistique urbaine. « Elle amène du lien social et plusieurs villes étrangères ont montré leur intérêt pour ce dispositif innovant et pionnier » souligne Cécile Cohas.

Europe

« L’Europe est notre alliée en termes de transition énergétique » estime Marie-Cécile Grisard. Certes, les réglementations peuvent paraître contraignantes. Mais l’Europe donne le « la » avec des objectifs très ambitieux (cf. le Pacte vert), notamment pour décarboner le transport ». Selon elle, il y a une vraie carte à jouer en France pour développer l’intermodalité avec un duo gagnant fleuve-fer et ainsi limiter le transport routier aux derniers kilomètres « Le trafic fluvial a malheureusement baissé depuis la crise Covid. Nous devons agir collectivement pour doper le transport fluvial et renforcer la complémentarité opérationnelle entre réseaux fluviaux et ferrés. C’est le sens de notre partenariat CNR-VNF-SNCF Réseaux pour parvenir à une meilleure multimodalité et construire des chaînes logistiques bas carbone économiquement pertinentes ».

« Sur nos voies navigables, on utilise les subventions européennes pour de grands projets d’infrastructure et pour électrifier nos axes » indique Cécile Cohas. « Nous répondons également à des appels à projet pour booster l’innovation et le trafic fluvial. Par exemple, nous venons de répondre à un projet européen avec des Italiens et des Grecs sur la résilience des ouvrages fluviaux face au réchauffement climatique ».

 

 

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