Synthèse de l’apéro avec Armelle Roudaut Lafon

Pour son premier apéro parisien de l’année 2024, Femmes en Mouvement avait convié jeudi 18 janvier Armelle ROUDAUT LAFON, directrice des affaires maritimes de la Principauté de Monaco. Cette rencontre, à distance, inaugurait notre premier trimestre consacré aux métiers de l'ingénierie. 

A 54 ans, Armelle a mené une riche carrière comme administratrice des affaires maritimes. Après des études à Sciences-Po Toulouse et un 3ème cycle de diplomatie et d’administration des organisations internationales à Paris 11, elle passe le concours pour rejoindre le corps des administrateurs des affaires maritimes (AAM), un corps d’officiers de carrière de la Marine nationale administré et géré par le ministère chargé de la mer.  « J’ai choisi ce corps un peu par hasard, un peu par atavisme ». Armelle a un père brestois et une mère sétoise. « J’ai vécu les 18 premières années de ma vie dans le Var, à Sanary sur mer, avec la double culture maritime de mes parents, bretonne et méditerranéenne ». Un stage intéressant à la Direction des pêches et l’envie de vivre au bord de la mer la convainc de tenter ce concours.

Affaires maritimes et mobilité géographique

Elle enchaînera différents postes et villes : après une affectation sur la Jeanne d’Arc avec les élèves officiers, elle obtient un premier poste à Nice, dans les Alpes Maritimes, puis enchaîne avec Bordeaux, Vannes où elle s’occupe de la gestion du domaine public maritime, avant de retourner à Nice comme directrice des affaires maritimes.  A la suite d’une réforme de l’Etat, elle devient la directrice adjointe de la nouvelle direction interministérielle des territoires et de la mer des Alpes Maritimes en 2010. En 2012, la principauté de Monaco cherche à remplacer son directeur des affaires maritimes. Elle postule et obtient le poste pour lequel elle est détachée. « Monaco voulait féminiser son équipe en charge des transports, de l’environnement et du bâtiment et ma candidature tombait au bon moment, analyse Armelle Roudaut Lafon. Je ne suis pas favorable à une féminisation de principe et  à compétences égales, je suis favorable à la mixité, qui permet de réunir des façons différentes de travailler ».

En parallèle, Armelle a eu trois filles. « J’ai eu la chance d’avoir un mari qui m’a toujours suivie. Négociant en vins dans l’export, il était plus flexible que moi et a pu être présent pour nos enfants ».

Armelle est directrice des affaires maritimes de la Principauté de Monaco depuis 11 ans. Elle gère une équipe d’une dizaine de personnes. Monaco, c’est 2 km2, 4 kms de côtes. Elle a en charge l’administration du pavillon monégasque, la réglementation maritime pour les bateaux, la lutte antipollution, la sécurité de la navigation et la sécurité nautique. Elle a également un rôle diplomatique au travers de la représentation de la Principauté aux réunions internationales à vocation maritime.

Mareterra, un vaste projet d’urbanisation en mer

Armelle a ensuite présenté l’écoquartier Mareterra, un vaste projet d’urbanisation en mer, pour lequel elle a coordonné toutes les activités maritimes.

« A Monaco, plusieurs quartiers ont été gagnés sur la mer, notamment dans les années 80 avec le quartier Fontvieille, explique-t-elle. En 2013, un nouveau projet a été initié ». C’est le projet Mareterra. L’objectif était de gagner 6 hectares sur la mer pour y construire des résidences haut de gamme. La phase d’études a été très longue car il s’agissait de voir comment un tel quartier pouvait s’implanter sur un plan environnemental, notamment en respectant les réserves marines proches et s’intégrer à l’existant, sans perturber les activités maritimes présentes. Puis est venue la phase des travaux : des travaux d’envergure avec l’acheminement de caissons de Fos sur Mer qui ont ensuite été immergés, et la réalisation de la dalle sur laquelle ont été construits les immeubles. « La partie ingénierie était vraiment très intéressante, estime Armelle. Chaque semaine, nous avions une réunion pour coordonner tous les acteurs, ingénieurs terrestres, acteurs maritimes, etc. Les donneurs d’ordre relevaient à la fois du domaine public et privé ». L’enjeu était de parvenir à trouver des accords, des arrangements entre tous ces acteurs alors même que leurs contraintes et priorités n’étaient pas les mêmes. Il a fallu faire face à des conditions météo et en mer compliquées, des tempêtes, des risques de pollution, respecter de nombreuses obligations techniques, environnementales. « Cela a parfois donné lieu à des réunions houleuses ou tendues, reconnaît-elle, mais le résultat est là ! » C’était la première fois que des travaux maritimes de cette envergure étaient menés à Monaco.

Armelle Roudaut Lafon se souvient qu’elle a souvent été la seule femme avec Daniela Burla, directrice environnement et risques du projet Mareterra au sein de la Maîtrise d’Ouvrage, devant des ingénieurs, techniciens, architectes, marins. « Je n’ai jamais eu de souci. Nous étions tous sur le même bateau, tendus vers le même objectif. J’ai favorisé un management de proximité, avec des réunions régulières, en privilégiant les relations directes et franches ».

Le projet qui devait se terminer en 2025 sera prêt avec 8 mois d’avance.

Des technologies innovantes, respectueuses de l’environnement ont été utilisées. Une ingénierie écodurable qui s’est traduite par une préservation de l’environnement marin et des espèces protégées, l’utilisation de matériaux durables, une écoconception des bâtiments.

Les enjeux de la Principauté de Monaco

L’enjeu de Monaco est complexe : comment se développer économiquement sur un territoire petit et limité, tout en respectant son environnement marin et la Méditerranée ? Monaco souhaite continuer à attirer des résidents (car la TVA immobilière est sa principale source de revenus) et à leur proposer une offre immobilière qui répond à leurs attentes. Par ailleurs avec le réchauffement climatique, la hauteur de la houle et de la mer augmente. De nouvelles infrastructures pour protéger les digues existantes sont à l’étude.

Concernant les dossiers environnementaux en cours, on peut citer : les bornes électriques pour les mégas yachts  depuis l’an dernier, les réflexions menées sur les carburants pour les navires de croisière (hydrogène, carburants désulfurisés), le retraitement des eaux usées, une navette à 100% électrique ou à hydrogène entre Nice et Monaco sont à l’étude, etc.

En termes de mobilité durable, Monaco dispose d’un réseau de bus et de quelques pistes cyclables. « Beaucoup de choses se font à pied et les automobilistes ont une conduite prudente » estime Armelle, qui elle-même, utilise le vélo pour se rendre au travail. En revanche, l’intermodalité est recherchée pour les pendulaires (salariés qui vivent en France ou en Italie) venant travailler à Monaco mais elle n’est pas la priorité pour desservir le nouveau quartier Mareterra, et les voitures restent nombreuses à Monaco.

En dehors de la recherche marine (avec notamment la Fondation Albert II, l’Institut océanographique et le centre scientifique de Monaco), deux autres sujets bénéficient de moyens : l’architecture verte / du paysage et la construction durable.

Quelques mots sur l’organisation politique de Monaco : le Prince, omniprésent, nomme un premier ministre, le Ministre d’Etat, qui travaille avec 5 ministres (dont 2 femmes actuellement). Il existe un Conseil national (l’équivalent de notre parlement) constitué de 24 membres, élus par les Monégasques, qui a un pouvoir de vote des lois mais pas de proposition. Le Prince a également le pouvoir de nommer les juges. Il y a un Maire, mais il a peu de pouvoirs en dehors des crèches et de l’animation.

Armelle Roudaut Lafon, directrice des affaires maritimes de la Principauté de Monaco

Précédent
Précédent

Synthèse de l’apéro avec Avril Tourmen

Suivant
Suivant

Synthèse de l’apéro avec Régina Dutacq et Mathilde Gadea